Pierre, ainsi qu’il est dépeint dans le passage de Jean 18:10, incarne le visage d’une Humanité complexe et tiraillée. Dans ce passage bien connu, celui qui deviendra l’apôtre de la paix, frappera Malchius, l’esclave du grand-prêtre et lui coupera l’oreille droite. Son geste, aussi brutal qu’injustifiable, semble être la manifestation d’une émotion profonde, un acte de défense aveugle face à l’impuissance.
Ce passage met en lumière la tension entre la logique humaine (se défendre, combattre l’injustice par la force) et la logique divine. Il montre également la fidélité maladroite de Pierre, qui agit avec cœur mais sans discernement, et le contraste fort entre un homme qui veut bien faire, mais qui fait mal.
C’est un trait de caractère que l’on retrouve en chacun de nous, qui nous pousse souvent à agir sans réfléchir dans des moments de crise, quand la peur et l’angoisse prennent le dessus. C’est ce que nous appelons communément “agir par la chair”.
L’image du « sang » dans ce contexte est peut-être une métaphore de l’urgence et de la violence des sentiments qui, parfois, nous échappent. Pierre n’est pas simplement un homme de violence, mais plutôt un homme submergé par ses émotions, en proie à une perte de contrôle dans une situation où il perçoit le danger immédiat et la menace. Ce n’est pas une justification, mais peut-être une forme de compréhension qui nous invite à nous interroger sur la nature humaine, et sur ces moments où, pris dans la tourmente, nous posons des actes que nous regrettons ensuite.
Ce qui peut d’ailleurs nous étonner, serait la réaction de Yehoshoua face à son geste. Certes, il réprimande Pierre, mais à aucun moment, il ne le juge ou le qualifie d’homme de sang dans ce passage. Nous sommes, tout comme Pierre, des êtres fait de chair et remplis de sentiments. Il nous arrive de pécher, de parfois agir sous le coup des sentiments et de poser des actes en pensant que le Seigneur est en accord avec nous. Si le Seigneur nous réprimande car il est Juste, il ne nous condamne pas, car il est Miséricordieux. C’est là toute la profondeur de la question : sommes-nous mauvais parce que nous péchons ou agissons en pensant bien faire ?
Le péché peut venir de l’ignorance, de la peur, ou d’une mauvaise compréhension de la volonté d’Elohim (comme Pierre ici). L’exemple de Pierre montre que l’amour, mal orienté, peut conduire à un acte répréhensible, sans être intrinsèquement mauvais. La miséricorde divine s’exerce lorsque le cœur est sincère, même si l’acte est fautif.
Elohim n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour qu’il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. Cette parole, trop souvent entendue, mérite d’être méditée avec le cœur ouvert. Car dans ce monde qui accuse vite, qui condamne sans chercher à comprendre, Yéhoshoua se tient à part. Il ne justifie pas le péché, mais il regarde au-delà de lui. Il voit l’homme. Il voit son combat. Il voit son cœur.
Dans le jardin, lorsque Pierre dégaine son épée et frappe un homme, son intention n’est pas le mal, mais la défense, la loyauté, peut-être la peur. Et pourtant, il se trompe. Il agit selon la chair. Yéhoshoua le réprimande, mais il ne le condamne pas. Il lui dit : « Remets ton épée dans le fourreau. » Il ne l’accuse pas d’être un homme de sang. Il ne rejette pas celui qui trébuche. Il instruit. Il relève. Il transforme et il restaura, à l’image de ce qu’il a fait avec l’oreille de Malchius.
De même, il nous arrive, vous comme moi, de mal faire en pensant bien faire. Ce que tu as fait ne définit pas toujours qui tu es. Ce n’est pas l’acte isolé qui forge l’identité, mais la direction du cœur, la sincérité de la repentance, et la volonté de revenir à Elohim.
Oui, Yéhoshoua a bu du vin, cela ne fait pas de lui un buveur.
Pierre a agi violemment. Cela fait-il de lui un homme violent ? Non.
David a chuté. Cela a-t-il effacé son cœur selon Dieu ? Non.
Et pourtant, il nous faut aller plus loin encore.
Car il existe une différence que nous devons apprendre à faire concernant le pécheur. Tous ne pèchent pas de la même manière, ni avec les mêmes intentions. Il y a celui qui chute par faiblesse, et celui qui chute par rébellion. Il y a l’ignorant, et il y a l’orgueilleux. Il y a celui qui n’aime pas le mal mais qui succombe par moment, et il y a celui se plait à faire le mal et qui y demeure. Et ce discernement est fondamental si nous voulons juger avec la mesure du Seigneur, et non avec celle des hommes.
Mais bons pharisiens que nous sommes bien souvent, nous avons cette facilité excessive de tout mélanger : de condamner celui qui est tombé comme s’il l’avait choisi, de taxer d’impie celui qui lutte, de rejeter celui que Yehoshoua est en train de relever. Or, la miséricorde divine ne fonctionne pas selon notre justice froide. Elle voit le cœur, le combat intérieur, les larmes secrètes que personne d’autre ne voit.
C’est là que se confirme cette parole :« La méchanceté commence là où la Justice est absente, là où l’offense surgit sans fondement. »
Autrement dit, la vraie méchanceté n’est pas seulement un acte malfaisant. C’est l’acte délibéré, accompli sans cause, sans remords, sans conscience. L’homme charnel pèche par faiblesse, parfois par ignorance. C’est le cas de Pierre : il agit par précipitation, par peur, par zèle sans lumière. Et le Seigneur le reprend, mais ne l’abandonne pas.
Mais l’homme méchant, lui, pèche par orgueil, par rejet volontaire de la vérité, par rébellion contre la lumière. C’est ce qui rend le geste de Judas si difficile à comprendre, si tragique, si lourd. En effet, remarquez que Yehoshua a réparé la faute de Pierre en guérissant l’oreille de Malchus, mais il n’a pas réparé celle de Judas. Lorsque le Seigneur accorde la miséricorde, il répare et restaure ce qui a été détruit.
S’il est possible de comprendre — et même de compatir — au geste de Pierre, il est en revanche plus douloureux de saisir celui de Judas l’Iscariote. Pierre a renié par peur, mais il a pleuré amèrement et a été restauré. Judas, lui, a trahi avec préméditation, et au lieu de revenir vers la Miséricorde, il a fui dans le désespoir.
Mais puisque nous allons en profondeur, il est tout aussi judicieux de se poser des questions à ce sujet : pourquoi la méchanceté, la cruauté, l’indifférence ? Pourquoi certains agissent-ils de façon gratuite, sans raison apparente, sans justice ? Les enfants d’Elohim, dans leur souffrance, cherchent à comprendre. Mais souvent, la réponse échappe aux raisonnements humains.
Dans les Écritures, du livre des Proverbes à celui de l’Écclésiaste, Dieu nous parle constamment du cœur. L’état de notre cœur révèle l’état de notre âme. Il dévoile nos blessures, nos peurs et nos incertitudes. Parfois, notre éducation, nos épreuves ou nos blessures rendent difficile la compréhension de ce que Dieu attend de nous.
Tout ce qui émane de l’homme vient de son cœur. C’est de ce lieu intérieur que naissent les pensées, les choix, et finalement, les actes. L’homme hérite, de génération en génération, d’un passé chargé de souffrance et de péché. Mais celui qui tourne son cœur vers Elohîm, qui le nourrit de Ses pensées et de Ses sentiments, trouve la vie. Car il est écrit : « Garde ton cœur plus que toute autre chose, car de lui jaillissent les sources de la vie » (Proverbes 4:23).
Lorsque notre cœur est purifié par la vérité divine, nos actions deviennent le reflet de la lumière de Dieu.
La Bible enseigne que le cœur est au centre de tout. Blessures intérieures, manque d’amour, souffrance : tout cela se manifeste dans nos actes. Ceux dont le cœur est marqué ressentent un lourd fardeau. Et plus le péché est profond, plus la douleur déborde sous forme d’amertume.
Ce constat nous mène à une première vérité fondamentale : l’homme, dans sa nature, est incapable de répondre aux exigences divines. Il est enclin au mal, incapable par lui-même de produire une justice véritable. Pourtant, l’Écriture est claire : tout dans la vie spirituelle dépend de l’état du cœur. Quand il se détourne de Dieu, la vie spirituelle s’éteint.
Seul un cœur tourné vers Dieu, nourri de Ses pensées, peut être source de vie et de vérité. Le cœur purifié par la parole divine devient un instrument de paix, de sagesse et de justice. C’est une œuvre que l’homme ne peut accomplir seul — c’est Dieu qui guérit ce qui est brisé en nous.
Yéhoshoua (Jésus) a dit : « Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu » (Matthieu 5:8). Cette pureté n’est pas une perfection humaine, mais une disposition humble et sincère devant Elohîm. Celui qui, malgré ses faiblesses, recherche la lumière et la sainteté, sera transformé pour manifester un cœur selon Elohim.
Qu’est-ce que cela signifie, avoir un Cœur selon Elohîm ?
David est appelé « un homme selon le cœur de Dieu » (1 Samuel 13:14), non pas parce qu’il était sans faute, mais parce qu’il cherchait constamment la face de Dieu. Dans ses luttes, ses échecs, ses victoires, il s’appuyait non sur sa justice, mais sur celle du Tout-Puissant. Ses Psaumes témoignent de cette dépendance, de cette soif de sainteté et de vérité.
Le cœur selon Elohîm reflète l’amour, la sagesse et la justice divine. Il ne vit pas pour lui-même, mais pour Dieu. Il ne reflète ni l’envie de se faire justice ou si d’accomplir la volonté d’Elohim par ses propres forces comme l’eût pensé Pierre (c’est à dire par la chair), mais d’agir en suivant le Saint Esprit. Chercher la justice d’Elohîm, c’est s’éloigner des raisonnements humains et se tourner vers Lui.
Le monde actuel souffre des blessures du cœur humain. La guerre, la haine, le racisme, l’injustice : tout cela trouve racine dans un cœur malade, rongé par le mal. Nos actes ne sont que le reflet de ce qui habite en nous. Et aucun remède humain ne peut guérir cette profondeur.
Mais Dieu le peut. Lui seul connaît les abîmes du cœur humain. Il transforme, restaure, purifie. Et c’est dans cette transformation intérieure que le Royaume de Dieu prend forme sur la terre.
Nous ne sommes pas appelés à comprendre les théories humaines du mal, mais à chercher la sagesse d’en haut. Comme il est écrit : « Recherchez d’abord le Royaume de Dieu et Sa justice, et tout vous sera donné par surcroît » (Matthieu 6:33). La vraie lumière ne se trouve pas dans ce qui est visible, mais dans ce qui est éternel.
Le cœur humain est le point de départ de toute vie spirituelle. Lorsqu’il est blessé, l’homme s’égare. Mais lorsqu’il est tourné vers Dieu, nourri de Sa vérité, il devient une source de vie, de paix et de justice.
La transformation ne vient pas de l’extérieur, mais de l’intérieur. C’est un appel à chacun : laisser Dieu purifier notre cœur pour que nos vies reflètent la sainteté de Son Royaume.